Le dernier gardien d'Ellis Island -Gaëlle Josse.
Sans avoir encore eu l'occasion d'y aller, je suis passionnée par New-York. Pas la ville actuelle, non, mais toute cette période qui en a vu la construction, cette époque où New-York était LA ville où tout était possible. Ce roman de Gaëlle Josse m'a donc rapidement fait de l'oeil, puisqu'elle explore Ellis Island, ce lieu par lequel transitaient les immigrants, avant de savoir s'ils pouvaient devenir citoyens américains ou repartir chez eux. Je remercie les éditions J'ai Lu pour cette merveille de lecture.
Présentation:
"New York, 3 novembre 1954. Dans cinq jours, le centre d'Ellis Island, passage obligé depuis 1892 pour les immigrants venus d'Europe, va fermer. John Mitchell, son directeur, officier du Bureau fédéral de l'immigration, resté seul dans ce lieu déserté, remonte le cours de sa vie en écrivant dans un journal les souvenirs qui le hantent : Liz, l'épouse aimée, et Nella, l'immigrante sarde porteuse d'un étrange passé. Un moment de vérité où il fait l'expérience de ses défaillances et se sent coupable à la suite d'événements tragiques. Même s'il sait que l'homme n'est pas maître de son destin, il tente d'en saisir le sens jusqu'au vertige."
Mon avis:
John Mitchell a fait toute sa carrière à Ellis Island, en tant que directeur du Bureau de l'Immigration. Il a vu passer des milliers d'êtres pleins d'espoir et prêts à tout pour tenter de se faire une situation en cette terre promise que représentait alors l'Amérique. Il doit prendre sa retraite, car cette fin d'année 1954 voit la fermeture définitive du centre. Tout un pan de l'histoire de New-York qui se tourne, mais surtout de la vie de John, qui commence à rédiger son journal intime, dans lequel il égraine ses souvenirs et ses douleurs.
John se souvient de son épouse disparue, mais aussi d'une galerie de figures fortes, employés ou immigrants. Son histoire d'amour avec Liz et son passé à Manhattan ne m'ont pas touchée plus que cela. L'essentiel de ce roman réside avant tout dans le centre d'Ellis Island, un véritable personnage à part entière. Dès que John commence à parler de tout ce qu'il a vu, je me suis sentie captivée par ma lecture. A travers son journal intime, il évoque les espoirs de tous ces gens qui quittaient tout pour une vie qu'ils espéraient meilleure, sans en avoir toutefois la garantie. Les semaines de traversée en mer, dans des cales immondes infestées de poux, de punaises, de cafards et de crasse humaine. La peur d'être renvoyés là d'où ils venaient (ce qui n'arrivait qu'à 2% d'entre eux). John est comme un témoin muet de l'histoire, à travers ces européens qui fuient leur continent au gré des conflits.
Et peu à peu, dans ce récit, trois figures se détachent pleinement: Nella, Lazzarini et Kovàcs. Les deux premiers fuient l'Italie, le second, un pays qui condamne les intellectuels trop peu communistes. On s'attache à leurs histoires respectives, on veut savoir ce qui les a poussé à prendre la route pour l'Amérique. Nella traîne derrière elle un lourd passé teinté de sorcellerie, Lazzarini ne semble pas très clair et Kovàcs paraît représenter un danger. John s'attache à décrire le ressenti de tous ces personnages, sans tomber dans le pathos, malgré sa culpabilité. Comment faire son travail et laisser de côté les sentiments personnels? Car là où la plupart des citoyens américains ne voyaient en Ellis Island qu'une sorte de grosse usine, John perçoit les humains derrière tous ces immigrants.
La plume de Gaëlle Josse, que je ne connaissais pas du tout, se révèle à la fois délicate, poétique, envoûtante et percutante. Elle décrit si bien le ressenti de John et les diverses histoires des uns et des autres, que je me suis demandée sans arrêt au cours de ma lectures si ces personnages avaient réellement existé. La réponse se trouve à la fin... Gaëlle Josse est une magicienne des mots, qui nous transporte dans son récit et parvient à nous transmettre beaucoup d'émotions en peu de pages, à nous imprégner totalement de ce passé. La fin s'est même révélée totalement inattendue pour moi, je dois le dire. Je ne peux que vous inviter à visiter le site Tumblr que la romancière à consacré à ce sujet, si vous voulez mieux vous rendre compte de ce qu'a été Ellis Island.
♥♥♥♥♥♥
En bref, LE DERNIER GARDIEN D'ELLIS ISLAND est un court roman à la fois envoûtant et percutant, mené avec talent par une plume gracieuse et pleine de poésie. Si vous vous intéressez à cette époque qui a marqué New-York, nul doute que ce roman saura vous toucher en plein coeur, avec ses personnages attachants. C'est un roman dont je vais me souvenir bien longtemps.