"Trad. de l'anglais (États-Unis) par Hélène Collon.
Pour remonter dans le passé lointain, il n'est pas nécessaire d'utiliser une machine à voyager dans le temps. Il suffit de s'imprégner de l'époque dans laquelle on désire se rendre, de se dépouiller de toutes les pensées, comportements qui vous ancrent dans le présent, bref, de se conditionner mentalement et physiquement, pour être projeté dans le temps que l'on croyait perdu. Telle est la théorie du Pr. Danzinger. Informé de ce projet, qui a secrètement l'aval et le soutien logistique du gouvernement américain, Simon Morley doute, hésite... Mais la médiocrité de son existence, la curiosité, et le mystère qui entoure le suicide d'un aïeul de son amie Kate, finissent par le décider. Installé dans un appartement du «Dakota», un vieil immeuble new-yorkais demeuré intact, il va s'y comporter comme un homme de la fin du XIXe, et un soir de neige, après des jours d'efforts et d'attente, le miracle se produit...
Récit conjuguant le témoignage écrit et visuel (de nombreux dessins et photos accompagnent le texte), enquête policière, histoire d'amour comme Hollywood ne sait plus en filmer, Le Voyage de Simon Morley a été récompensé par le Grand Prix de l'Imaginaire."
Mon avis:
Pour ma première lecture de cet auteur, je n'ai absolument pas été déçue!
Si le lecteur est immergé dès les premières pages dans ce qui l'attend, avec le recrutement de Simon pour cette aventure hors normes, les choses ont toutefois besoin de temps (assez long) pour se mettre en place. Durant une bonne première partie de ce roman, on apprend à connaître Simon et sa relation avec Kate (l'histoire personnelle de Kate déterminera finalement la mission de Simon), ainsi que les préparations du gouvernement pour cette expérience.
Viennent ensuite les descriptions, dont l'auteur n'a pas été avare, du New-York de 1882. Elles donneront à certains une impression de longueurs (que j'ai parfois ressentie), mais elle ajoutent énormément au roman, le rendant plus "réel". Jack Finney a effectué un vrai travail de recherche, exhumant faits divers et photos anciennes, qu'il a insérées dans son roman, afin de coller le plus possible à la réalité (même s'il reconnaît avoir parfois pris quelques libertés, notamment sur l'édification du Dakota, ci-dessous).
Nous visitons donc durant de nombreuses pages ce passé que découvre avec étonnement et émerveillement Simon. Des bâtiments disparus, le métro aérien, des immeubles encore là au XXe siècle. Le protagoniste nous fait également part de ses impressions sur les différences entre les New-Yorkais du passé et de son présent, en 1970, ce qui me semble toujours d'actualité.
"Les visages d'aujourd'hui sont différents: beaucoup plus uniformes, bien moins animés. Dans les rues de 1882, j'ai croisé la misère humaine telle qu'on la voit encore de nos jours; j'avais vu la dépravation, le désespoir et la cupidité. Sur les visages des enfants, j'avais lu la dureté prématurée qu'exprime à présent celui des jeunes de Harlem. Mais il y avait en outre, dans les rues d'autrefois, un sentiment d'excitation qui n'existe plus aujourd'hui. Par exemple, chez les promeneuses du Mille des Dames entrant dans ces splendides grands magasins désormais disparus. Ces femmes avaient des visages pleins de vie, on les sentait heureuses d'être en vie, à ce moment-là, et dans cet endroit précis."
Vous comprendrez que Jack Finney en profite pour nous glisser son analuyse de notre société actuelle, et, le roman ayant été écrit en 1970, je peux vous assurer que sur certains points, il a vu juste.
Passées ces descriptions, il y a également l'intrigue, qui, dès qu'elle se met en place, s'avère très prenante. Simon va en effet s'impliquer plus qu'il ne le devrait dans ce New-York de 1882; mais ne risque-t-il pas de changer le cours des événements? A moins que ce risque soit finalement infime?
"Le voyage de Simon Morley" associe avec brio le thème du voyage dans le temps (même si la méthode en elle-même n'est pas le noyau du rooman) à une enquête policière et des faits historiques, rendant ce roman unique. C'est un roman dense et complet, dont la fin est, à mes yeux, un coup de génie de la part de l'auteur (mais attention, ce n'est que mon avis, bien sûr). J'espère de tout coeur que les éditions Denoël rééditeront la suite.
♥♥♥♥♥
Je le conseille: si vous avez envie de découvrir un New-York disparu et une histoire très prenante.